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Les sources du cd CHABRETAS # 2

Les collectages (1)

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J'ai joué quelques mélodies que nous avions recueillies dans les années 1980 à Limoges, et que je n'avais jamais publiées. Ce disque était l'occasion de les faire connaître.

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Elie Béjard

J'interprète ici deux valses-musette que Béjard et son collègue Beaubiat jouaient avant-guerre. Ce sont typiquement les airs que détestaient les premiers folkloristes, qui se lamentaient sur la perte des vieux airs et du "vrai" répertoire limousin. Mais je pense que ce sont des valses que les musiciens jouaient dans les bals de bord de Vienne, pour les Fêtes des Ponts ou bien le 14 juillet, et les chabretaires voulaient rester dans le coup. J'ai rencontré plusieurs membres de la famille de Béjard, car il était décédé depuis peu de temps lors de nos enquêtes : sa fille, Mme Lathière, son petit-fils, M. Béjard dit "le sioux", et puis son "élève", M. Couderc qui le connaissait bien lorsqu'il était enfant. Elie Béjard était né à Dournazac en Dordogne, en 1870. Il est mort à Limoges en 1960.

Je transcris ici mes notes d'enquêtes menées vers 1980, à la recherche de l'un des derniers chabretaires de Limoges. Mes découvertes se révélèrent assez surprenantes.

Sur les traces du chabretaire

En 1979, la fille du chabretaire François Denis de Limoges me donne une photo d’une grande fête à Limoges, « aux Casseaux », dans doute dans les années 1920. On y voit deux chabretaires, un jeune (Denis) et l’autre plus âgé, inconnu. En me promenant aux Casseaux, un cantonnier dans la rue, à qui je montre la photo, me dit qu’il a bien connu cette époque, et les chabretaires qui jouaient au café « La Crotte de poule ». D’après lui a photo est prise au Mas Goulet, aujourd’hui rasé.

Le 28 octobre 198, avec Thierry Boisvert, nous rendons visite à M. Gayot, ancien directeur du Populaire du Centre, ami d’André Pangaud – son fils tenait la rubrique sportive dans le journal. Gayot, qui connaissait bien le père Denis dans sa jeunesse, possédait quatre chabrettes. Il avait connu Chabrely et Gabiroux également. Il montre trois de ses chabrettes, que nous observons, photographions, documentons, etc. Il a connu un autre chabretaire, Béjard, dans les années 1927-28, "décédé vers 1935" dit-il. Béjard habitait faubourg d’Angoulème, et venait jouer au café « Chez Rouzannet ». Sa fille et ses petits-enfants habitent rue de l’église, "une maison avec des hortensias". Sa fille est Mme Vauzelle. Et l’épouse du garage Sardin (à côté) a bien connu Béjard aussi. C’est sans doute le Béjard lauréat du concours de chabrettes celui de 1912 à Limoges, où Gabiroux l’emporta, « devant Beulet et Béjard ».

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Béjard, et son élève M. Couderc

Le 17 janvier 1982, nous rencontrons rapidement M. Gayot, rue Fustelle de Coulanges. Très pressé, il nous indique un M. Couderc, dans son quartier, qui aurait joué la chabrette.

Nous le trouvons rapidement. M. Couderc a appris à jouer la chabrette avec Béjard, vers 10-12 ans. Il le reconnaît sur la photo des Casseaux, mais … pas sûr ? Il a appris sur une chabrette de type limousine que lui avait donné Béjard, « avec une seule glace sur le devant ». Béjard lui avait appris à faire les anches : il disait « le pilet » pour le canon de cuivre, avec du roseau, une rasette en cuivre, et du  fil « au conscrit ». On essayait à la bouche. Il mettait un fil de laiton autour ». Il dit que Béjart était bon joueur. « Il faisait le vibrato avec la clé. » Photo de Béjard avec lui, enfant. Il ne sait plus où est la chabrette, car il passa à la cabrette auvergnate à soufflet. Il essaie de jouer de la mienne, et il joue « Un Jour dins l’Eitoulia ». Il fredonne deux valses que jouaient Béjard et le chabretaire Beaubiat de Corgnac, qu'il connaissait bien car il jouait avec lui le dimanche, : ils partaient de la rue de la Borie (Corgnac) en jouant tous les 2, « ils faisaient tous les bistrots. Béjard ne buvait que du vin rouge. Il s’essuyait toujours la moustache, et elle penchait vers la gauche ». Béjard est mort dans un accident rue A. Druteix vers 1960.

18 janvier :

Chez Vauzelle, rue de l’Egalité. Ils reconnaissent Béjard sur la photo aux Casseaux. « Mort en 1960 (environ) à 85 ans ». Il était de Dournazac, son prénom était Elie Béjard. Son ami était Beaubiat. Il avait trois chabrettes, peut-être que Couderc les a récupérées. On nous montre une photo avec sa chabrette, que possède sa petite-fille Madame Réjasse. « Il réglait très bien les chabrettes ». Je reconnais cette chabrette : elle est aujourd’hui dans la collection de M. Lerat, ancien commissaire de police à Limoges.

Faire des chabrettes

Le 18 janvier, nous rencontrons son petit fils, M. Béjard dit « Le Sioux ». « Elie Béjard est mort à 91 ans, vers 1958. Il n’y voyait presque plus. C’était un petit bonhomme ». Sa chabrette serait chez Lathière, le gendre de Béjard, chauffagiste rue A. Dutreix. Auparavant cette chabrette appartenait au « Sioux », qui en a joué un peu.

Béjard avait trois chabrettes à la fin de sa vie : une est allée à Couderc, une au « Sioux » donc chez Lathière, et une propriétaire inconnu.« Son hautbois était plus long que le votre», la chabrette était « couverte de  Velours marron ». Béjard jouait jusqu’à Verneuilh, dans des noces, bals …

Nous allons chez M. Lathière, chauffagiste, 170 rue A. Dutreix. Vue Mme Lathière, fille de Elie Béjard, dit Louis : elle nous confirme ses dates, 1870-1960. Il était fils de chabretaire, « de père en fils ». Son père en jouait, et en avait joué à Limoges à la fin de sa vie. Le père était de Latterie près de Dournazac. Elie Béjard habitait 87 rue A. Dutreix. Il était feuillardier à Dournazac, puis il avait fait des chaises à Limoges, et travaillé à la Porcelaine. Il avait fait son service militaire en Tunisie, dans les zouaves, en 1890, « il pensait ne jamais revenir ». Vers 1900, il avait fait le tour d’Europe avec un cirque pendant 1 ou 2 ans. « Il chantait en même temps qu’il jouait ».

Il fabriquait les chabrettes. Il avait une malle pleine de hautbois et de chabrettes (« au moins 7 »), qui moisissaient ! Il récupérait tout et il le mettait dans des gabias. Il avait un tour à pédale, et il utilisait « dau boè de pudé » : bois jaune, qu’ils ont vu. Il faisait les anches. Il cousait la peau : « La pédoire ». Elle a vu une photo dans un mariage en 1950 à Cussac, le « Mariage d’Adrien » où Béjard tient la chabrette. « Sa chabrette a été donnée certainement à un groupe folklorique ». Mais je sais où elle est.

En 1999, pour l’exposition « Souffler c’est jouer » au Musée national des ATP à Paris et à St-Yrieix-la-Perche, je propose à Florence Gétreau, commissaire de l’expo, de faire acheter la chabrette de Béjard, à cette époque dans la collection Lerat, par le Musée des ATP. Cette chabrette est aujourd’hui dans les réserves du MUCEM de Marseille.

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Elie Béjard et la Piste aux Eoiles

J'ai écrit dans le livre "Regards" une version à peine romancée de la vie d'Elie Béjard.  "Le jeune chabretaire de Limoges quitta sa ville natale au retour du service militaire dans les zouaves en Tunisie, pour s’embarquer avec un cirque où il jouait de la cornemuse. Elie Béjard était tombé amoureux de la femme-canon, une jeunesse rencontrée dans une étape d’un cirque itinérant. On ne sait pas s’il s’agissait de Rossa Matilda Richter, la jolie Zazel, la première à expérimenter cette attraction spectaculaire, où elle était propulsée par un canon à ressort. Après un vol plané de plus de dix mètres elle était réceptionnée dans un filet... mais il arrivait que la cible soit manquée, ou que le filet soit percé. D’ailleurs après quelques incidents d’atterrissage elle arrêta sa carrière, on dit qu’elle s’était brisé quelques os.  Elie Béjard revint à Limoges où il fit métier de fabricant de chaises et de cornemuses, racontant jusqu’à ses derniers jours ses épopées circassiennes dans les bras de la femme-canon. Sa fille, rencontrée en 1982, se souvenait de sa belle chabrette limousine avec son boîtier en étoile et miroirs, fabriquée par lui, peut-être en souvenir de sa piste aux étoiles. Et puis elle l'avait vendue à un commissaire de police. « Ma mère s’appelait Mathilde, mais personne ne savait d’où elle venait. »

"Exhibiteur de phénomènes"

En fouillant les archives d’état civil en ligne, j’ai découvert la fiche de Béjard lors de son retour de service militaire. Bien des choses y sont confirmées : Elie Béjard, né le 3 mars 1870 à Dournazac, de Georges Béjard et Marie Grospas, résidents à Châlus. Taille : 1m49. En Tunisie au régiment des zouaves de 1891 à 1892. Puis il passe dans l’armée de réserve. On lit qu’en 1903, « il voyage en France avec des exhibiteurs de phénomènes ». En 1905, il vit à Limoges au 87 Faubourg d’Angoulême. Il est au front contre l’Allemagne de 1915 à 1917. Il en revient.

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